La microscopie électrochimique à balayage (SECM)

Contacts : Carlos Sánchez-Sánchez

 

La microscopie électrochimique à balayage (SECM) est une technique qui est apparue à la fin des années 80 suite aux développements de la microscopie à effet tunnel et de la microscopie à force atomique. La SECM permet de caractériser la réactivité interfaciale ou de réaliser des modifications de surface à l’échelle micrométrique en utilisant une microélectrode (UME) comme sonde locale. Cette technique est maintenant largement répandue et trouve des applications dans des domaines aussi variés que la biologie pour la caractérisation de cellules vivantes, l’électrochimie moléculaire pour la détermination de mécanismes réactionnels complexes ou l’étude de cinétiques rapides, en science des matériaux pour la mise au point de nouvelles compositions de catalyseurs ou encore pour étudier la dégradation des matériaux.

Principe

La SECM est basée sur l’utilisation d’une UME que l’on positionne proche d’un substrat afin d’en obtenir la topographie ou la réactivité locale à partir de la mesure du courant traversant l’UME. En choisissant soigneusement le potentiel de polarisation de la sonde, on obtient une réponse stationnaire pour le courant, dont la valeur est contrôlée par le coefficient de diffusion et la concentration de l’espèce électroactive et le rayon de la microélectrode. La réponse électrochimique de la sonde va donc permettre de caractériser de manière quantitative les différentes hétérogénéités d’une interface solide / électrolyte. Les modes de fonctionnement les plus couramment utilisés sont les modes feedback et les modes générateur/collecteur. La résolution spatiale de la SECM dépend de deux principaux paramètres : la taille de la sonde utilisée et la distance de positionnement entre la sonde et le substrat. Il est possible d’utiliser des nanoélectrodes ou des microélectrodes comme sonde locale, mais la difficulté majeure réside dans le contrôle de la distance entre la sonde et le substrat afin d’éviter tout contact entre eux.

Les modes « feedback »

Les modes feedback consistent à utiliser un médiateur rédox en solution et à polariser la microélectrode à un potentiel permettant d’observer le courant stationnaire limité par la diffusion. Lorsqu’on approche la sonde d’un substrat à une distance inférieure aux dimensions de la couche de diffusion de l’UME (c'est-à-dire à quelques fois son rayon), il est alors possible de caractériser les interactions entre les espèces produites à l’UME et le substrat. Si le substrat est un isolant, la couche de diffusion des espèces arrivant à l’UME est perturbée, et le courant diminue lorsque la distance sonde / substrat diminue : on parle alors de « negative feedback » (figure 1).

Fig01
Figure 1 : Représentation des modes feedback utilisés en microscopie électrochimique.

 

Ce mode de fonctionnement permet de caractériser la microélectrode utilisée comme sonde locale, de positionner précisément la sonde au voisinage de l’interface à caractériser et d’obtenir la topographie de l’interface en réalisant un balayage de la sonde (imagerie électrochimique). Inversement, si le substrat est conducteur, l’espèce consommée à la sonde peut être régénérée sur le substrat et réagir de nouveau à la sonde (figure 1) provoquant un courant plus important qu’en présence d’un substrat isolant pour une même distance : on parle alors de mode « positive feedback ». De plus, plus la constante électrocinétique est grande, plus le courant augmente quand la distance sonde / substrat diminue. Les courbes d’approche ainsi obtenues (courant de la sonde en fonction de la distance sonde / substrat) permettent les études quantitatives de la réactivité locale du substrat. Ce mode de fonctionnement permet également d’obtenir des cartographies de la réactivité locale d’une interface en réalisant un balayage de la sonde dans un plan parallèle au substrat comme illustré sur la figure 2 pour un alliage d’acier duplex.1

Fig2

Figure 2 : Réactivité locale d’un acier duplex imagée par SECM avec le ferrocène méthanol comme médiateur rédox. Les zones les plus actives correspondent à la phase ferritique, les moins actives à la phase austénitique.

Les modes « générateur / collecteur »

Le second type de fonctionnement est le mode générateur / collecteur qui consiste à générer une espèce à l’une des deux électrodes (par exemple sur le substrat) et à réaliser la détection sur l’autre (par exemple sur la sonde). Avec ce mode de fonctionnement, il est possible d’utiliser des sondes ampérométriques (une microélectrode polarisée au potentiel adéquat), mais aussi des électrodes sélectives comme des microsondes potentiométriques qui permettent de mesurer localement la concentration d’une espèce spécifique en solution. Ce mode de fonctionnement permet également l’utilisation de nanoélectrode comme sonde locale pour caractériser les profils de concentration au voisinage d’électrode de plus grande dimension en s’affranchissant des effets de feedback.

Autres modes de fonctionnement

Fig03
Figure 3 : images de la résistance d’électrolyte réalisées avec une microélectrode en platine de 10 µm au-dessus de la surface du Mg pur après : (a) 4 h et (b) 24 h d’immersion dans une solution de Na2SO4.

D’autres modes de fonctionnement ont été développés afin de palier à certaines difficultés expérimentales. Lorsqu’il n’est pas possible d’ajouter un médiateur rédox en solution, une alternative possible est d’utiliser la mesure de la résistance d’électrolyte à la sonde.2 Cette approche permet par exemple de caractériser la formation d’un film d’oxyde à la surface d’une électrode comme illustrée sur la figure 3 dans le cas d’une électrode de magnésium.3

Fig04
Figure 4 : Images de la réactivité d’une UME d’argent vis-à-vis de la réduction du chloroforme en fonction du potentiel. CHCl3 est apporté voisinage de l’interface par une micropipette.

Il est également parfois plus facile d’apporter localement une espèce avec une micropipette afin qu’elle réagisse avec le substrat comme par exemple pour la caractérisation de catalyseurs.4-5 La figure 4 illustre l’utilisation de cette technique pour l’étude de la réactivité d’une microélectrode d’Ag pour la réduction du chloroforme à trois potentiels différents.

De même, l’utilisation d’un microcapillaire permet également d’apporter localement une quantité contrôlée d’ion chlorure pour étudier la rupture de la couche passive sur les métaux et les mécanismes de propagation des piqûres.6-7

Appareillage disponible au LISE

Nous utilisons des équipements commerciaux et des équipements développés au laboratoire. Ces derniers permettent de faire évoluer la technique et l’adapter à nos différentes problématiques.

 

Références

  1. de Assis, K. S.; de Sousa, F. V. V.; Miranda, M.; Margarit-Mattos, I. C. P.; Vivier, V.; Mattos, O. R., Assessment of electrochemical methods used on corrosion of superduplex stainless steel. Corros. Sci. 2012, 59, 71-80.
  2. Gabrielli, C.; Huet, F.; Keddam, M.; Rousseau, P.; Vivier, V., Scanning Electrochemical Microscopy Imaging by Means of High-Frequency Impedance Measurements in Feedback Mode. J. Phys. Chem. B 2004, 108 (31), 11620-11626.
  3. Baril, G.; Galicia, G.; Deslouis, C.; Pebere, N.; Tribollet, B.; Vivier, V., An impedance investigation of the mechanism of pure magnesium corrosion in sodium sulfate solutions. J. Electrochem. Soc. 2007, 154 (2), C108-C11
  4. Perales-Rondón, J. V.; Solla-Gullón, J.; Herrero, E.; Sánchez-Sánchez, C. M., Enhanced catalytic activity and stability for the electrooxidation of formic acid on lead modified shape controlled platinum nanoparticles. Applied Catalysis B: Environmental 2017, 201, 48-57.
  5. Lugaresi, O.; Perales-Rondon, J. V.; Minguzzi, A.; Solla-Gullon, J.; Rondinini, S.; Feliu, J. M.; Sanchez-Sanchez, C. M., Rapid screening of silver nanoparticles for the catalytic degradation of chlorinated pollutants in water. Appl. Catal. B-Environ. 2015, 163, 554-563.
  6. Aouina, N.; Balbaud-Celerier, F.; Huet, F.; Joiret, S.; Perrot, H.; Rouillard, F.; Vivier, V., A flow microdevice for studying the initiation and propagation of a single pit. Corros. Sci. 2012, 62, 1-4.
  7. Heurtault, S.; Robin, R.; Rouillard, F.; Vivier, V., Initiation and propagation of a single pit on stainless steel using a local probe technique. Faraday Discuss. 2015, 180, 267-282.